6 mois sous Testo !
Le 31 mai dernier, mon endoc me filait ma première ordonnance de testostérone. Je m'en souviens encore, en sortant, je me suis acheté une paire de pompe toute blanche, dans un magasin proche du cabinet médical. Quel rapport ? Aucun, si ce n'est l'envie de me faire plaisir, de fêter l'heureux évènement. Oui il s'agissait bien d'une naissance, la naissance de moi-même, par moi-même. Accouchement au forceps, après des années de grossesse - si j'puis m'permettre l'audace de poursuivre la métaphore nataliste. C'était à la fois la vie qui débutait et qui reprenait. Elle débutait parce j'avais la preuve sur papier que mon corps allait commencer à exister sous une forme qui me conviendrait bien plus. Elle reprenait parce que paradoxalement, c'était un peu l'heure de faire le bilan : je suis entré dans une phase de réflexion sur ce qui devenait désormais "l'avant", à savoir période pré - testo, pré- décision de transitionner, pré-venue à Paris, bla bla bla. Je suis fétichiste des dates, j'adore penser les choses en ruptures, continuités, invariants etc. Je suis très attentif aux évolutions des choses, mais je suis encore plus attentif à les requestionner une fois qu'elles sont passées. Bref, j'adore revenir en arrière - sans être un trouduc réactionnaire car tu l'auras compris, il ne s'agit pas de ma manière de penser le monde, mais simplement mon rapport à mon propre monde et à ses propres mouvements. Tout ceci pour dire que j'avais un besoin capital de faire une pause sur ces derniers temps, car ils furent cycloniques. Et pour arriver à construire un de ces temps, je me suis donné comme repère la prise de testo car c'est un moment charnière. Je vois tout ce qui m'est arrivé de nouveau (ou que je regarde autrement parce que j'ai entrepris ce changement physique tant désiré), et je vois aussi ce qui a continué à être wonderful ou fucked up, en se manifestant parfois simplement sous des formes différentes.
Tout ceci ne s'est pas produit 7 jours sur 7 dans l'allégresse. J'ai eu des doutes ("est-ce que je suis un 'vrai' trans ? = est-ce que c'est dans ma "nature" ? au sens où si c'était pas "toujours là", depuis mes 1 ans, est-ce que c'est légitime"), des peurs ("je vais perdre ma mônmôn / les gens seront méchants avec elle"), des hésitations ("en même temps, à une époque j'ai kiffé être avec une fille en tant que fille, bref être lesbienne, donc je pourrais plus jamais être lesbienne / et puis aussi j'étais "heureuse" avec X en tant que fille hétéro, donc c'est peut-être qu'une phase ?"), des envies de conformité ("pourquoi devenir un mec si la majeur partie du temps je suis attiré par des mecs - à bite ou à chatte ou à bitechatte - bref c'est pas plus simple d'être une meuf hétéro tendance bi, qu'un pédé parfois bi ?") , des rappels à une soit disant lucidité féministe ("pourquoi 'choisir' la difficulté, il suffirait de rester femme, mais autrement, alors qu'en transitionnant je confirme les normes de genre etc), des envies de ressembler à tel ou tel type de trans , sans savoir ce que moi - même si ce moi est toujours produit par des influences - je voudrais indépendamment de ce qui m'entoure (rendre la torsoplatie inéluctable alors que je kiffe mes [les] seins pour encore un moment ou définitivement, no sé).
Aussi, je pourrais passer des heures à parler de ce que le fait de passer pour homme m'apporte/change/crée. L'impression de ne plus être grosse mais costaud, soit de donner l'impression d'avoir une carrure, le monde se contrefichant désormais de mes hypothétiques vergetures. Le fait que les musiciens ne me prennent plus pour une conne dans les magasins mais pour un connaisseur. Le fait de marcher dans la rue sans que des mecs se sentent obligés de m'expliquer qu'ils aiment mon cul. Mais négritude oblige, je peux aussi noter le fait que sur les chat pédés les gars n'arrivent pas à comprendre - sans m'insulter - que je ne pourrais pas les baiser avec ma "grosse queue de renoi". Que je n'ai pas forcément "de potes de quartiers" à les présenter afin de les gang banger. J'te jure, je ne rigole pas... Pour ce qui est de la bite, c'est un classique du racialisme n'est-ce pas. Mais le truc des potes là ? Je ne m'y attendais pas du tout. Il faut croire que les garçons noirs, nous sommes présumés en "bande" - même quand on est face à notre écran d'ordinateur ! - et nous aurions des potes, bandés tels des mulets, toujours disposés à défoncer des culs et faire avaler du foutre à des blancHEs. Sans parler des vigiles plus suspicieux qu'avant dans les magasins. Mais, ici le changement est léger. Pour plein de raisons (dont mon expression de genre façon race d'ep*) je n'ai pas l'air trop trop dangereux. Un gay noir me l'avait dit, fait confirmé.
Comme je disais, je pourrais blablater sur les changements apporter par le passing (fait de passer physiquement pour homme désormais) pendant des heures. Il y a des choses intéressantes à dire, et puis surtout, à creuser, car l'analyse de toutes ces situations ne relève pas de l'évidence étant donné qu'il y a souvent des choses paradoxales qui rentrent en jeu. Mais voilà, malgré ces réflexions hyper intéressantes, je n'ai pas envie de fêter mon anniversaire testonique en mettant ça au centre. Je veux juste dire que : purée-de-merde-de-fuck je commence à ressembler à ce que je voulais, c'est un processus qui continue, qui ira encore dans le sens de la masculinisation, et j'emmerde les gens qui m'ont longtemps mis dans la tête ou carrément dit que c'était impossible / incensé / fou / dangeureux AH AH AH AH AH
(mais je précise que je leur pardonne, parce que beaucoup sont désormais repentis et écoutent, cherchent à comprendre, bref ne m'emmerde plus)
* Race d'Ep = pédéraste en verlan et ça renvoie à un film sur les gays. Enfin les "homosexuels".
**En prime, un super article d'une personne qui raconte la difficulté de faire un parcours trans sans subir de pression sur "la bonne manière" de transitionner - ou encore la manière qui serait "la plus simple" - et j'en passe - alors que tout ceci dépend vraiment de chacunE : http://vincentfortune.over-blog.com/article-un-autre-parcours-72957983.html